Shchedryk : l’histoire étonnante du chant ukrainien qui est devenu « Carol of the Bells »
À l’approche des fêtes, certaines mélodies semblent s’imposer comme des incontournables sans que l’on sache toujours d’où elles viennent. Parmi elles, « Carol of the Bells » est partout : films, publicités, playlists de Noël… Mais derrière cette mélodie qui nous glace et nous enchante à la fois se cache une histoire millénaire et profondément liée à l’identité ukrainienne. Chez MadameMary.fr, j’aime raconter ces petites histoires qui font la magie des saisons. Voici le parcours fascinant de « Shchedryk », la petite chanson de la golondrine qui a traversé les siècles.
Des origines préchrétiennes et une mélodie venue des champs
Les racines de Shchedryk plongent loin dans le temps, jusqu’à des pratiques rituelles préchrétiennes des campagnes ukrainiennes. À l’origine, ce chant faisait partie des shchedrivky — des chants populaires du Nouvel An qui célébraient le retour du printemps et le cycle des récoltes. La mélodie, simple et répétitive, imitait le chant d’une petite hirondelle annonçant prospérité et bonnes récoltes. Cette fonction rituelle explique l’énergie et la cadence presque incantatoire du thème musical : il s’agissait de conjurer l’avenir plutôt que de l’expliquer.
Mykola Leontovych : du folklore à la partition chorale
C’est le compositeur Mykola Leontovych qui transforma cette mélodie monophonique en une pièce chorale qui allait traverser les frontières. En 1916, sa version de Shchedryk fut donnée par la Philharmonie d’Ukraine sous la direction d’Oleksandr Koshyts. Le passage du simple chant villageois à l’œuvre chorale a rendu la mélodie plus complexe et plus iconique : l’écriture polyphonique a souligné le motif de quatre notes qui deviendra reconnaissable entre tous.
Un symbole d’indépendance porté par un chœur en tournée
La période suivante ajoute une dimension politique à la chanson. Lors de la brève indépendance de l’Ukraine en 1918, Symon Petliura organisa une tournée d’un chœur d’élite pour porter la culture ukrainienne en Europe et réclamer reconnaissance politique. Entre 1919 et 1921, le chœur parcourut dix pays, donnant des dizaines de concerts et faisant connaître Shchedryk au public international. La réception fut triomphale, notamment en Europe de l’Ouest, où la mélodie fut perçue comme l’expression d’une maturité culturelle ukrainienne. Ce succès scénique ne put toutefois empêcher les événements tragiques : l’Ukraine sera occupée et Mykola Leontovych sera assassiné.
La traversée de l’Atlantique et la métamorphose américaine
En 1922, le chœur ukrainien passa par les États-Unis où il rencontra un large public universitaire et institutionnel. Dans les années qui suivirent, la chanson fut entendue sur les grandes scènes américaines et enregistrée. C’est là que le destin de la mélodie prit un tournant inattendu : Peter Wilhousky, chef de chœur d’origine ukrainienne, entendit Shchedryk et imagina une version en anglais. Pour adapter le chant aux choristes américains, il écrivit un nouveau texte et transforma la thématique de la hirondelle en celle des cloches, créant ainsi « Carol of the Bells ». Publiée en 1936, cette version allait à terme s’intégrer au répertoire des chants de Noël aux États-Unis.
Du chant patriotique au classique de Noël universel
La transformation opérée par Wilhousky permit à la mélodie de se diffuser massivement dans la culture populaire anglo-saxonne. De là, elle se fraya un chemin vers le cinéma et la télévision : on se souvient notamment de la mémorable version de John Williams dans le film Solo en casa (Home Alone), qui a largement contribué à ancrer la mélodie dans l’imaginaire collectif des fêtes. Ce passage du répertoire patriotique ukrainien au statut de « classique de Noël » illustre à quel point une musique simple et émotive peut revêtir des sens multiples selon les contextes.
Une mélodie vivante portée par la mémoire et les réseaux
Aujourd’hui, Shchedryk/Carol of the Bells connaît des centaines de réinterprétations : chœurs traditionnels, reprises pop, versions électroniques et même détournements viraux sur les réseaux sociaux. La mélodie a su s’adapter aux modes tout en conservant son noyau identitaire. C’est une musique qui voyage, se transforme et redevient familière saison après saison, preuve que les thèmes simples et populaires résistent au temps et aux frontières.
Pourquoi cette chanson nous touche tant ?
En connaissant ses origines, on redécouvre la chanson avec un regard neuf : loin d’être seulement un air de Noël, c’est aussi le témoin d’une histoire nationale et d’un patrimoine vivant qui traverse les saisons.
Quelques idées pour célébrer la chanson cette saison
Cette saison, laissez-vous émouvoir par la petite golondrine et par les cloches qui tintent : derrière l’air que vous connaissez se cache un récit long et riche, à la fois fragile et résilient — exactement le genre d’histoires que j’adore partager sur MadameMary.fr.
