Une passion en plein essor chez les femmes

Nous sommes sans doute à l’âge d’or du true crime : podcasts, séries, documentaires… Il suffit de citer des titres comme “Monster” ou un nouveau documentaire Netflix pour que tout le monde comprenne de quoi on parle. Mais si l’intérêt pour ce genre macabre touche un public large, un fait saute aux yeux : les plus grandes consommatrices de true crime sont les femmes. Selon une enquête mondiale menée par Kantar Group en 2024 auprès de 10 000 personnes, 46 % des femmes préfèrent écouter des podcasts sur des affaires criminelles, contre seulement 34 % des hommes, davantage attirés par des contenus économiques. Aux États-Unis, cette proportion grimpe même à 80 % de consommatrices true crime.

De la curiosité morbide à la psychologie de la survie

Reproduire mentalement des scénarios violents peut sembler morbide, et pourtant cette curiosité n’est pas un simple tourmentané ; c’est un outil adaptatif. Le psychologue Coltan Scrivner, à l’origine de la Morbid Curiosity Scale, explique que s’intéresser à des situations dangereuses permet de mieux comprendre les menaces de notre environnement. En découvrant comment se déroulent de vrais crimes, on apprend :

  • À reconnaître les signaux d’alerte et les comportements suspects,
  • À saisir certaines méthodes d’agresseurs potentiels,
  • À identifier des stratégies d’évasion ou de défense.

Cette étude souligne que, loin de la légèreté d’un divertissement, le true crime joue un rôle pratique dans la construction d’une vigilance personnelle.

Une différence d’approche entre hommes et femmes

Les travaux des psychologues Amanda Vicary et Chris Fraley mettent en lumière une fracture de genre dans les préférences true crime :

  • Les hommes férus d’horreur apprécient autant les thématiques surnaturelles (zombies, monstres) que les récits de guerre.
  • Les femmes, quant à elles, privilégient nettement les récits de crimes réels.

Les expériences menées montrent que les consommatrices true crime choisissent surtout les contenus détaillant des profils psychologiques d’agresseurs, des astuces d’évasion et des informations préventives. Elles sont également plus sensibles quand la victime est une femme.

Racines évolutives : apprendre pour mieux se protéger

Pour expliquer cette attirance féminine, Vicary et Fraley avancent une dimension évolutive. Dans une époque où la survie dépendait de la capacité à détecter un danger avant même qu’il ne survienne, recueillir des informations sur des attaques ou des meurtres permettait d’anticiper et d’éviter les comportements dangereux. Concrètement :

  • La mémoire collective a retenu les récits d’agressions pour reproduire des signaux d’alarme.
  • L’attention portée aux méthodes et aux failles des agresseurs a transmis un savoir-faire de défense.

Si l’on regarde nos différences corporelles – taille, force moyenne – il n’est pas surprenant que les femmes, physiquement plus vulnérables, aient développé cette « école du crime » à travers les récits de true crime.

Le true crime comme véritable manuel de terrain

Plus qu’un simple loisir, le genre offre aux femmes des leçons pratiques :

  • Repérer les « red flags » dans les comportements (isolement, abus de pouvoir, mensonges répétitifs),
  • S’informer sur les procédures judiciaires et les droits des victimes,
  • Se familiariser avec la médecine légale et les indices invisibles à l’œil nu.

De nombreuses auditrices de podcasts true crime avouent avoir appris à mieux négocier leur sécurité dans la vie quotidienne, que ce soit en soirée, lors de déplacements professionnels ou dans l’organisation d’événements privés.

Les dérives à surveiller

Aucun phénomène culturel n’est exempt de dérives. Dans le true crime, on observe parfois :

  • Une tendance à l’« armchair detective » : jugements hâtifs, scénarios fantasques sans fondement,
  • Une culpabilisation des victimes, quand on néglige le contexte social et psychologique,
  • Une banalisation de la violence présentée comme un simple divertissement.

Pour lutter contre ces dérapages, l’association Solace Women’s Aid propose un « Solace Test », un guide de trois questions essentielles pour tout créateur ou média :

  • La représentation de la violence est-elle nécessaire à l’histoire ?
  • Contribue-t-elle à véhiculer un message véridique ou renforce-t-elle un mythe culturel ?
  • Risque-t-elle de culpabiliser la victime ?

Ce protocole invite à garder toujours en tête la dimension humaine derrière chaque affaire et à préserver la dignité des victimes, tout en continuant à apprendre pour mieux se protéger.

By Mary