Quand la victime devient arme de distraction

Dans nos vies à deux, les désaccords sont inévitables, voire bénéfiques lorsqu’ils permettent de clarifier les attentes mutuelles. Cependant, certaines réactions vont au-delà d’un simple besoin de se défendre : elles utilisent la culpabilité comme bouclier et détournent le véritable enjeu du conflit. C’est ce que les psychologues appellent le « sméagol-ing », un réflexe toxique à détecter pour préserver l’harmonie du couple.

Origine et signification du « sméagol-ing »

Le terme s’inspire du personnage de Sméagol/Gollum dans Le Seigneur des Anneaux, toujours partagé entre l’innocence pleurnicharde de Sméagol et l’agressivité manipulatrice de Gollum. Lors d’une dispute, celui qui pratique le sméagol-ing endosse soudain le rôle de la victime impuissante : « Tu as raison, je suis nul(le), je ne mérite pas ton amour… ». Plutôt qu’affronter le fond du problème, on fait diversion en exagérant sa propre culpabilité.

Comment repérer cette tactique ?

  • Auto-dénigrement soudain : après une critique, le partenaire passe immédiatement de l’écoute à l’auto-flagellation (« Je suis vraiment une mauvaise personne »).
  • Rôle du sauveur : l’autre se retrouve contraint d’apporter réconfort et pardon, alors que la discussion devait porter sur un sujet précis.
  • Détournement de la conversation : au lieu de répondre au désir initial (ex. : plus de participation aux tâches ménagères), la discussion bascule sur l’état émotionnel du « coliche » (la personne accusée).

Pourquoi le sméagol-ing est-il nocif ?

Selon le Dr James Cordova, ce mécanisme sert de distraction et « minimise les préoccupations légitimes de l’autre ». Au lieu d’ouvrir un espace de dialogue, on crée une dette émotionnelle : l’interlocuteur se sent coupable de réclamer un changement et cède trop vite. Le Dr Andrew Christensen ajoute que c’est une manière de « transformer la plainte en attaque contre soi-même, forçant l’autre à renoncer à son argument initial ».

Les étapes pour répondre avec bienveillance et fermeté

Pour ne pas tomber dans le piège du sméagol-ing et faire évoluer la communication, voici quelques clés :

  • Valider sans cautionner : reconnaissez le courage qu’il faut pour entendre une remarque (« Je comprends que ce soit difficile de recevoir ce retour »), sans pour autant accepter le détournement du sujet.
  • Recadrer l’objet de la discussion : rappelez calmement le point de départ (« J’aimerais qu’on parle de la répartition des tâches, pas de ce que je ressens maintenant »).
  • Exprimer votre ressenti : clarifiez l’impact de la situation sur vous (« Quand tu te déprécies comme ça, je finis par hésiter à demander ce dont j’ai vraiment besoin »).
  • Proposer une solution concrète : échangez sur des actions précises plutôt que d’en rester à une plainte émotionnelle (« Et si on établissait un planning hebdo pour la vaisselle ? »).

Le sméagol-ing au regard des quatre cavaliers de Gottman

John et Julie Gottman identifient quatre comportements toxiques dans le couple : la critique, le mépris, la défensive et la fermeture émotionnelle. Le sméagol-ing se situe à la frontière entre la défensive et le mépris inversé : on endosse la victime pour que la critique initiale ne puisse pas prospérer. Comprendre ce lien permet d’éviter que l’un des « cavaliers » ne s’installe durablement dans la relation.

Exercices pour rétablir un dialogue sain

  • La reformulation bienveillante : pratiquez la technique du miroir, en répétant les demandes de votre partenaire pour confirmer que vous avez bien compris.
  • Le tour de rôle d’écoute : accordez-vous cinq minutes chacun pour s’exprimer sans interruption, afin de diminuer la tentation du sméagol-ing.
  • Le carnet de gratitude : notez chaque jour un point positif chez l’autre pour rééquilibrer la balance émotionnelle et réduire l’anxiété de performance.

Transformer une impasse en opportunité

Débusquer le sméagol-ing, c’est offrir à la relation l’opportunité de croître dans la confiance mutuelle. En remplaçant la manipulation par l’écoute active et la co-construction de solutions, chaque conflit devient un pas de plus vers une complicité renforcée. Chez MadameMary.fr, on croit qu’avec douceur, clarté et un zeste d’humour (voire de références Tolkieniennes !), on peut transcender les habitudes toxiques et savourer pleinement la magie d’être deux.

By Mary