Une révolution anti–ultra fast fashion en marche

Le 10 juin 2025, le Sénat français a adopté à une écrasante majorité la loi dite « anti–Shein », marquant une étape historique dans la lutte contre la mode ultra rapide. Avec 337 voix pour et seulement une contre, la France devient la première nation à instaurer un cadre légal ciblant directement les marques qui inondent le marché de milliers de nouveautés à prix cassés, au prix d’un impact environnemental et social souvent invisible.

Genèse et objectifs de la loi

Au cours de l’année 2024, deux géants de l’ultra fast fashion — Shein et Temu — se sont hissés en tête des dépenses vestimentaires des Français. Entre 2010 et 2023, le volume de vêtements vendus en France est passé de 2,3 à 3,2 milliards d’articles, soit une hausse de 39 %. Face à cette surconsommation qui met en péril l’écosystème textile local et alourdit notre empreinte carbone, le Parlement a décidé :

  • d’imposer des sanctions financières aux produits jugés « ultra fast fashion » ;
  • d’interdire certaines formes de publicité, notamment auprès des influenceurs ;
  • d’obliger une étiquetage transparent sur l’impact environnemental de chaque vêtement.

Définition de « mode ultra rapide »

Pour distinguer la fast fashion classique — à l’instar de Zara ou H&M — de l’ultra fast fashion, la loi introduit des critères basés sur la fréquence de renouvellement des collections et le volume de stocks écoulés chaque semaine. Ainsi, seules les enseignes dépassant des seuils de rotation prédéfinis seront assujetties aux nouvelles mesures, protégeant les fabricants européens tout en visant les acteurs extra-européens à cadence surhumaine.

Les principales mesures du texte

  • Malus environnemental : dès 2025, une pénalité de 5 € par vêtement jugé ultra fast fashion, portée à 10 € (ou 50 % du prix HT) en 2030.
  • Publicité encadrée : limitation des campagnes sponsoring et placement de produits, notamment via les blogueuses et influenceurs.
  • Étiquetage obligatoire : affichage clair du bilan carbone, des ressources utilisées et des possibilités de recyclage/recyclage sur l’étiquette produit.
  • Sensibilisation renforcée : messages d’information à côté du prix pour encourager la réparation, le réemploi et la durée de vie prolongée.

Quel impact sur votre porte-monnaie ?

Quentin Ruffat, porte-parole de Shein en France, n’hésite pas à évoquer une possible « atteinte au pouvoir d’achat », puisque ces malus verront les tarifs augmenter pour compenser les nouvelles taxes. Comptez donc 5 à 10 € de plus par pièce — une somme modique face au coût réel caché derrière la production à bas prix : pollution, conditions de travail précaires, déchets massifs.

Pourquoi agir dès maintenant ?

Au-delà du simple débat économique, la loi anti–Shein vise à transformer nos habitudes culturelles :

  • Passer de la fringue jetable à la pièce durable, pensée pour durer.
  • Remettre en valeur le savoir-faire local et les filières courtes.
  • Réduire la quantité de déchets textiles — 13 kg par Français chaque année en moyenne.
  • Encourager l’éco-conception et la circularité (recyclage, upcycling, friperies).

Adopter une garde-robe plus responsable

Pour anticiper ces changements et continuer à vous faire plaisir sans culpabilité, voici quelques astuces :

  • Investir dans des basiques de qualité : t-shirts en coton bio, denim solide, accessoires intemporels.
  • Chiner et troquer : friperies, plateformes d’échange et vide-dressings vous offrent des trésors à moindre coût.
  • Opter pour la location : pour une occasion ou un événement, louer un vêtement évite l’achat compulsif.
  • Réparer et personnaliser : faites appel à un retoucheur ou relevez-vous vos manches pour retoucher un zip ou raccourcir un ourlet.
  • Favoriser le made in Europe : privilégiez les labels garantissant la traçabilité et des conditions de fabrication respectueuses.

Les prochaines étapes législatives

Le projet doit maintenant être examiné par l’Assemblée nationale, puis discuté en commission mixte paritaire à l’automne. Une fois adopté définitivement, le texte sera notifié à la Commission européenne, ouvrant la voie à une harmonisation progressive au sein de l’Union. D’autres pays, dont l’Espagne, pourraient s’inspirer de cette initiative et renforcer, à leur tour, leurs exigences en matière de mode durable.

By Mary