Le luxe d’ennuyer son agenda

À l’heure où chaque minute de nos vies est organisée, planifiée, optimisée, je vous propose un pari singulier : réserver un moment pour… ne rien faire. En septembre, j’ai décidé de m’ennuyer délibérément, une fois par semaine. Pas pour faire un pied de nez à la productivité, mais pour célébrer la liberté de posséder mon temps, tout simplement.

Redécouvrir la valeur du temps libre

Dans notre société, l’ennui n’est plus perçu comme un simple état passager, mais comme un signe de paresse ou de manque d’ambition. Pourtant, ne pas être obligé·e de “faire quelque chose” pour survivre est un privilège : il témoigne d’une sécurité matérielle, sociale et émotionnelle. Seule une fois ses besoins de base assurés – logement, nourriture, garde d’enfants, travail stable – peut-on s’autoriser l’oisiveté sans culpabilité.

Le temps comme capital inégal

  • Quand Warren Buffett ou Bill Gates bloquent du temps de réflexion dans leur agenda, ce n’est pas anodin : derrière leur liberté de penser se cache un confort financier et organisationnel.
  • Dans beaucoup de foyers, quelqu’un d’autre prend en charge la logistique quotidienne (courses, ménage, trajets scolaires), laissant un espace pour la pause et… l’ennui.
  • Celles et ceux qui peinent à boucler les fins de mois ou jonglent entre plusieurs emplois n’ont souvent d’autre choix que d’optimiser chaque seconde.

L’hyperproductivité, nouvel opium du quotidien

Nos vies hyperconnectées nous poussent à fuir l’ennui à tout prix : notifications, flux d’informations, enchaînements d’activités ou de rendez-vous… Nous en venons à croire que chaque temps mort est une opportunité ratée. Résultat : même en faisant la queue au supermarché ou en attendant le métro, nous saisissons notre smartphone pour combler un vide devenu insupportable.

L’addiction aux stimuli et ses effets

La chercheuse Sandi Mann rappelle que, lorsque nous éradiquons tout ennui, nous affaiblissons notre tolérance à l’attente. À force de chercher de la dopamine dans chaque notification, notre cerveau réclame toujours plus de séductions numériques. Cette spirale finit par générer stress, anxiété et épuisement émotionnel.

Et si l’ennui devenait une bulle créative ?

Les neurosciences s’accordent à dire que l’ennui favorise la rêverie et l’imagination. Privé·e de distractions, le cerveau entre en mode “divagation”, inventant de nouvelles idées et perspectives. L’ennui est plus qu’une parenthèse : c’est un terreau fertile pour la créativité et l’innovation.

En pratique : comment réapprendre à s’ennuyer ?

  • Planifiez un créneau hebdomadaire : bloquez 30 à 60 minutes où vous ne faites rien d’autre que vous installer confortablement.
  • Débranchez vos écrans : smartphone en mode avion, notifications coupées, télévision éteinte. Laissez place au silence ou à votre seule respiration.
  • Laissez vos pensées vagabonder : observez ce qui émerge de votre esprit sans chercher à analyser ni juger.
  • Autorisez-vous à ne pas remplir l’ennui : ne remplacez pas le vide par une tâche ou une course. Restez simplement là.

Les bénéfices insoupçonnés de la pause

À force de ne rien faire, on gagne en :

  • Clarté mentale, en offrant à notre esprit un moment de respiration.
  • Créativité, grâce à l’activation des réseaux neuronaux pendant la rêverie.
  • Sérénité, en brisant l’obsession de l’urgence permanente.
  • Confiance en soi, en prenant conscience qu’on peut être pleinement soi-même sans action immédiate.

Le privilège à cultiver

Dépoussiérer notre relation à l’ennui, c’est aussi repenser notre rapport au temps et à la performance. Loin d’être un simple caprice, ce rythme hebdomadaire d’ennui choisi est un acte de bienveillance envers soi-même. C’est un moyen de rappeler : mon temps m’appartient, et j’ai le droit de ne pas le remplir systématiquement.

By Mary